Les insectes nuisibles des bords de Rance.

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Informations sur le taon.

J'ai eu, il y a quelques temps, un ami entomologiste qui s'intéressait fort à cet insecte. Il m'a communiqué quelques renseignements que je m'empresse de transmettre au surfeur désireux de se promener dans nos campagnes.

Ordre des diptères, sous-ordre des brachyères, de la famille des tabanidés, il s'agit d'un insecte nuisible. L'espèce phaematopota pluvialis entre autres, est le fléau des rennes de Laponie. Elle est particulièrement active le jour où le ciel chargé de nuages annonce la pluie, d'où le dicton lapon "avant la pluie, le beau Taon". Etant hématophage, cet insecte est responsable de la transmission des agents pathogènes de plusieurs maladies infectieuses ; par exemple la trypanosomiase, provoquant la stérilité. Ce lourd tribut qu'il impose s'appelle "l'impôt-Taon". Les lapons disent d'ailleurs très souvent : les Taons sont durs !

Naturellement, on cherche à tuer le Taon ! C'est l'équipe (subventionnée par le ministère de la santé publique ... et du Taon libre) des contre-Taons qui s'en charge. En Camargue, à cause des chevaux, c'est l'occit-Taons.

Quoiqu'on n'ait pas trouvé de fossiles de cet insecte, on sait que son origine se perd dans la nuit des Taons. On connaît pour Taon "Le Taon des moulins à vent", le Taon-goth d'origine hispano-américaine ; plus près de nous, le bon vieux Taon mais aussi les Taons modernes qui ont fort intéressé Charly Chaplin. Je sais que Lamartine lui a consacré un peu de son activité ; on connaît son poème "Oh ! Taon, suspends ton vol", à ne pas confondre avec le poème serbe, d'inspiration populaire "O.T.A.N., suspends ton vol". Wagner n'a pas dédaigné le chanter dans un délicieux petit lied d'allure un peu intimiste, écrit pour 134 instruments : "Les adieux de vos Taons". Brel aussi a contribué à le faire connaître par une chanson qui revient sur toutes les lèvres : "La valse à mille Taons". Une autre artiste, Berthe Silva si je me souviens bien, de retour d'un séjour à la campagne, ayant sans doute abusé du bon air, nous a laissé cette rengaine : "On n'a pas tous les jours vingt taons !". Fleming l'a immortalisé au cinéma par le film le plus titré de tous les taons : "Oh Taon en emporte le vent" !

araignée

Quelques mots sur les moeurs du Taon ; la chaleur lui est propice, c'est alors le Taon torride ; vers l'automne, il devient un Taon doux et plus vieux ... avant de mourir. Sa piqûre laisse une trace douloureuse appelée "signe des Taons". Une espèce plus calme parcourt le corps qu'elle va attaquer : c'est le Taon-tâteur.

Il ne faut pas le confondre avec l'Aoutat, larve du Trombidion dont la piqûre entraîne de vives démangeaisons.

Au moment des amours, le Taon des cerises exécute au dessus du cerisier un vol nuptial : la valse à deux Taons avant l'accouplement, soit l'accord des Taons. L'hérédité est pour lui essentielle car, au moment de la reproduction, le Taon chasse en fonction de son Taon père amant. Polygame, d'un tempérament de feu (elle est d'ailleurs seule à piquer et donc à sucer), la femelle en rut, dans un élan migratoire va trouver sous d'autres cieux son Con-Taon de semence pour la reproduction. Ainsi part-elle chaque printemps se donner du bon Taon avec ses copines vers le Boukhistan. Elle en revient très vite ... après avoir vu le Taon plier. C'est alors qu'il ne faut surtout pas confondre le mâle Taon avec le Xylocope, qui creuse son nid dans le bois. Lui (le Taon), et on peut alors l'observer à l'aise, se pose sur les chênes malades de nos forêts et suce la sanie qui s'en écoule. On suce ce que l'on peut, n'est-ce-pas ... Autres Taons, autres moeurs ! A ce moment ses yeux émeraude brillent de mille feux. On l'appelle alors l'éclat-Taon.

De même que les excréments du sanglier sont qualifiés de fumées, qu'il y a la roupie de sansonnet (qui sert de monnaie aux Indes), qu'il y a la fiente d'oiseau, il y a la chiure du Taon : le rebut-Taon.

Certains d'entre eux, particulièrement rapides parcourent les hippodromes : ce sont les Taons-bourrins. Ils s'y mesurent parfois à leurs cousins britanniques : les Merry-Taons. Un essaim de Taons (ils sont 50 environ) attaque parfois un autre essaim : c'est la guerre de cent Taons. Avant chaque confrontation, le chef est élu : c'est le Compé-Taon plébiscité par les Veaux-Taons.

Chez mon menuisier, à Irgoutzk, j'ai pu observer son caractère irascible : attiré par la rotation de la scie mécanique et croyant à une proie possible, sa déception au contact du métal le rend furieux, il s'oublie et le Taon pète sur la scie ! Mon ami entomolo perdait parfois son Taon dans son laboratoire. Je l'ai souvent surpris à la recherche du Taon perdu. Quand il le retrouvait, parfois à moitié mort, il le remettait dans sa boîte et le soignait, Taon bourre bat Taon par un supplément de viande à piquer, comme un médecin très Taon. Il poussait l'obsession de cet insecte au point qu'il ne s'approvisionnait que dans un magasin à l'enseigne "Meublez-vous chez Levy-Taon", à la boutique d'insectes du vieux monsieur juif qui avait choisi ce métier car "le Taon c'est de l'archent". Les prix y varient selon la saison, en fonction du cours du Taon. Au début de l'hiver, le Taon dépérit, la qualité baisse, les prix aussi et le vieux monsieur qui le déplorait : "triste Taon et i'solde...enfin, c'est pas toujours le Prin-Taon et quand a-t-on vu le Taon se contenter de sucer de l'eau glacée? Car où sont les neiges dans Taon ? ". Quel exploit-Taon !

Etude du Taon : pour l'examen microscopique, le Taon est coupé dans le sens de la longueur, pour ne pas perdre trop de Taon, on en observe une moitié : c'est le travail à mi-Taon. Les agents pathogènes sont recueillis et filtrés dans un passe-Taons. Le reste du corps est transformé en bouillon de culture, dans un alambic chauffé par une puissante lampe à arc : l'arc bout-Taon. Le bouillon est appelé sirop-Taon. Fermenté et bien faisandé, il sert de matière première à la fabrication d'une bière bien connue en Belgique : la Vieux-Taon. Mon entomolo espérait pouvoir réduire la nocivité du Taon à zéro, ayant observé qu'un Taon enfermé dans une chambre chaude volait à une telle vitesse qu'il en devenait invisible, quoique l'on sentît et perçût sa présence partout. Il avait pu établir que le volume du Taon est en fonction inverse de sa vitesse et sa masse en proportion directe, et que sous l'énergie, il y a mouvement.

Voilà où il en était la dernière fois que je l'ai vu ; emmené par deux hommes en blouse blanche, il m'a dit entre-taons : je n'ai plus beaucoup de taons, je vous laisse, fermez la porte en pare-taons !

Je lui rends ici un hommage vibrant et regrette ne plus l'avoir revu.

A bientôt j'espère, professeur Nardo ! dans un autre taon ...


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