Le château de Péhou


Paraissant sortir d'un roman de cape et d'épée, le château de Péhou offre toute sa beauté du large.

La Pointe du Chêne Vert, presqu'île s'engouffrant dans le lit de la Rance l'obligeant ainsi à une courbe vers l'Est, est un obstacle naturel dont les hommes se sont servis au cours des siècles.

château de Péhou

Déjà avant notre ère, des marchands Phéniciens en foulèrent le sol et certains indices laissent à penser qu'ils en firent une halte privilégiée, voire même un comptoir commercial. Une bande côtière de près de deux hectares blottie au Sud et abritée des vents dominants s'est tout naturellement transformée en havre naturel où les oiseaux viennent nicher. A cet endroit, vision surprenante pour qui connait la flore de nos régions : une portion de la côte est couverte d'asphodèles et l'on y voit chaque année se reproduire le miracle de la nature : l'éclosion de milliers de fleurs blanches dont l'origine, en réalité, est méditérranéenne ! Des signes de reconnaissance encore gravés dans les rochers de la côte et typiques des moeurs de ces voyageurs les désignent comme intitiateurs d'une culture qui leur permettait ainsi de retrouver, à chacun de leur passage, une réserve alimentaire qu'eux seuls pouvaient sans doute deviner. Considérée dans l'antiquité comme plante de la mort, elle l'était aussi comme remède miracle contre le poison et les morsures de serpent. Cette partie privilégiée d'un domaine qui a pu renaître des cendres d'une histoire fertile en évènements est devenue depuis quelques décennies une réserve cynégétique et ornithologique.

château de Péhou

Afin, sans doute, de contrôler la navigation sur la rivière mais aussi parce que le site constitue un obstacle naturel favorable, plusieurs ouvrages défensifs se sont succédés sur le rocher. L'histoire écrite fait état d'un premier château, en bois, dont les combattants participèrent à la victoire sur les Normands dans la plaine de Mordreuc. Il fut remplacé dès le 11ème siècle par un ouvrage en pierres et appartiendra du 11ème au 14ème siècle à la seigneurie des Tremereuc. Premier château de Léhon, l'ouvrage fut le théâtre, en 1040, d'une bataille opposant le Duc Alain au Vicomte de Dinan à qui il reprit le domaine. William Latimer, lieutenant-général du roi d'Angleterre en France, en fit sa principale demeure après sa conquête, en 1350. Il taxa outrancièrement les négociants qui faisaient alors commerce sur le fleuve et ceux-ci finirent par se grouper en une sorte de syndicat pour obtenir justice. Le Duc de Bretagne fait raser le château en 1360 et le domaine de Plumoyson est joint au manoir mitoyen de Vaux-Carheil. Au 17ème siècle, il trouve un nouvel acquéreur : le maire de Saint-Malo. Ses descendants disperseront la propriété dans le courant du 19ème siècle. C'est à partir de 1860 qu'il retrouvera une certaine splendeur, grâce à Marie Eloy, dite la "Ferrari". Jeune danseuse d'opéra et maîtresse du riche prince Basilevski, elle reconstitue Vaux Carheil et Péhou. Sur les ruines du château, elle fait reconstruire deux tours qui flanqueront une enceinte remise en état. L'ensemble formant un théâtre de verdure romantique sera propice à de somptueuses fêtes musicales.

Péhou vers 1900

Henri Kowalski, ultime élève de Chopin et compositeur prolifique (écrivant plus de 300 oeuvres), après avoir parcouru le monde où il s'était taillé une belle réputation, épousa la propriétaire du domaine qui comprenait encore le château mitoyen de Vaux-Carheil. Habitué aux fastes, il mena grand-train, organisant fêtes et réceptions au château. Quoiqu'enseignant également la musique au collège de Dinan, ses revenus et la fortune de son épouse fondirent comme neige au soleil. La malheureuse, qui lui survécut, mourut dans la misère en 1924 ...


tour du château de Péhou

Du haut de la tour qui domine la propriété, elle attendit sans doute avec tristesse un époux souvent absent ... On dit que certains soirs, les abords de la sous-préfecture de Dinan résonnaient de cris et de chants de joyeux lurons. Kowalski improvisait de lestes mélodies qui accompagnaient le sous-préfet de l'époque et ses convives dans des agapes en galante compagnie, parfois jusqu'aux petites heures ...


Pendant ce temps, sur l'autre rive, les marins, occupant les maisons blotties les unes contre les autres au bord de la cale de Mordreuc, imaginaient et parlaient, à la veillée devant le feu de cheminée, de l'histoire d'une belle princesse solitaire ...


Après le décès de Marie Eloy, sa nièce, héritière des biens, vendit le château et le domaine qui furent ainsi dispersés.



Vaulx-Carheil et Plumoyson reprendront une destinée séparée en 1937. Le premier est acheté par le curé de Pantin qui y installe une colonie de vacances sous le nom de "Chêne Vert" et le second s'étendant sur une douzaine d'hectares de bois et de ruines sera racheté par René Martin. Ce sera le départ d'une renaissance pour une propriété qui prendra définitivement le nom de domaine de Péhou. Claude-Noël Martin, son fils, entamera dès la seconde moitié du 20ème siècle une restauration de certains éléments de l'antique château-fort, le transformant en une demeure moderne dont le charme et l'aspect extérieurs furent préservés. 1987 sera une année douloureuse : la plus grande partie du domaine sera dévastée par une tempête d'une rare violence. Les efforts et les moyens engagés par le propriétaire relèveront petit à petit ce qui est désormais devenu un parc où une flore diversifiée abrite une faune variée, notamment migratrice. Son accès est possible, moyennant autorisation et sans bourse délier, à des groupes ou associations qui en font la demande.

Le versant Sud de la Pointe du Chêne Vert abrite désormais, grâce à la constitution d'un biotope particulièrement favorable et une végétation protectrice, de nombreux oiseaux habitués au gîte et au couvert d'une portion de littoral où nul ne peut circuler. Cette réserve protégée voit, certains soirs d'hiver, ses arbres se décorer de nombreuses guirlandes blanches qui repartent au petit matin, de gracieuses aigrettes venues y trouver quelque repos.

pêcheurs de crevettes devant Péhou vers 1900

Cette demeure est en réalité une reconstitution partielle de l'ancien château fort. Située à l'extrémité du domaine de Péhou et dressant fièrement ses tours dominant la Rance sur leur éperon rocheux, elle ravit plus d'un voyageur passant au large. Se couvrant d'une végétation savamment entretenue au cours des ans, elle a ainsi appris à cacher ses remparts, comme pour faire oublier sa vocation originale : une forteresse où s'abritaient des guerriers.

Avant la construction du barrage, les grèves entourant la Pointe du Chêne Vert grouillaient, à marée basse, de pêcheurs de crevettes poussant leur haveneau.


Une chapelle Saint-Lunaire était érigée sur les hauteurs de la Pointe.
Oubliée et tombant en ruines, elle sera démontée au 19ème siècle pour être reconstruite à Vaux-Carheil. Elle avait été pendant de nombreuses années un lieu de culte et de processions. Plus bas, près de la rive, les vertus d'une fontaine dite miraculeuse, à laquelle la légende des deux aveugles a valu la réputation, attira également les croyants de la région, des pélerins venus de plus loin ... et la cupidité d'une église toujours disposée à alléger la bourse de ses fidèles. Elle n'était pas la seule : les propriétaires du domaine et la municipalité se partageaient aussi la manne que constituait le paiement d'une taxe pour le prélèvement de quelques gouttes d'eau dans la fontaine.

Mais ... rompez le charme et revenez à la réalité : la balade est loin d'être finie.
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