Plouguiel

Couvrant la presque totalité de la rive gauche de l'estuaire du Jaudy, Plouguiel s'étire en une longue bande de terre dont les frontières, situation plutôt rare, sont constituées du lit des différents cours d'eau qui l'entourent.

église de Plouguiel

En venant de Tréguier ou de Minihy, il vous faudra remonter en direction du centre du bourg pour continuer votre découverte du littoral nord-armoricain car les rives du Jaudy y sont difficilement praticables.

Ce faisant, votre détour vous amènera peut-être à vouloir contempler l'église du village, entourée d'un vaste enclos paroissial protégeant encore le cimetière. La haute stature de cet édifice gothique se termine en un clocher effilé flanqué de 4 tourelles à colonnades dégageant une impression d'extrême légèreté. Construite entre 1869 et 1871, elle est assise sur les fondations d'un sanctuaire dont l'origine remonte au 15ème siècle. De ce dernier ne fut conservé que le porche sud et, à l'intérieur, un enfeu de chevalier rapporté datant du 14ème siècle.

Voisine d'une ville épiscopale et fortement imprégnée de l'influence chrétienne que lui insuflèrent ses fondateurs, Plouguiel ne possède toutefois que 4 autres édifices religieux, les chapelles Kélomad ou Bonne Nouvelle (1617, ruinée à la fin du 19ème, reconstruite en 1913 et restaurée de 1981 à 1990), Saint-Goueno (15ème siècle), Saint-Laurent (1505 mais recontruite en 1895) et Saint-Iltud.

La première ne porte pas le nom d'un saint mais celui du cri qu'un jeune paysan breton hurlait dans les campagnes après avoir défait une troupe anglaise qui pillait la région, en l'an 1341. Ensanglanté, agonisant mais "heureux", il lança encore ce cri dans un dernier souffle, tandis que ses compagnons d'armes annonçaient la "bonne nouvelle" : les anglais avaient été taillés en pièces, à Gloas-Woad, le "lavoir du sang" !   C'est pourquoi cette chapelle porte ces deux noms ... Elle est précédée d'un calvaire dont l'origine remonte à 1623.

Ce dernier fait partie d'une multitude de croix disséminées dans les campagnes : il en subsiste pas moins d'une vingtaine, encore aujourd'hui, le plus souvent au croisement des chemins.

menhir de la Roche Jaune, Plouguiel

C'est surtout au Moyen-Age que fut érigé ce petit patrimoine dénotant une occupation importante sur les terres de Plouguiel. Mais, il y a bien plus longtemps déjà, s'établirent ici des populations attirées par un pays aux multiples ressources, entre terre et mer. Elles laissèrent quelques traces tel Kerlouc'h, nommé parfois menhir de la Roche Jaune, dont l'origine remonte au néolithique. Couché, presqu'entièrement recouvert de terre et oublié de tous, il fut découvert en 1991 puis redressé en janvier 1998. A quelques centaines de mètres, des haches taillées et des pierres polies furent retrouvées sur la grève, après le nettoyage de plages qui avaient été polluées par les marées noires. Les communautés celtes du pays érigèrent d' autres monuments attestant une occupation régulière : deux stèles armoricaines, l'une tronconique et l'autre hémisphérique, de l'âge du fer : la première se dresse encore (mais ce n'est pas son lieu d'origine) sur les hauteurs du port près de Kerriou, l'autre dans l'enceinte du château de Keralio.

L'influence gallo-romaine marqua très peu le pays et seules quelques vagues traces d'une voie passant de Tréguier à Plougrescant subsistent de cette époque.

chapelle Saint-Goueno, Plouguiel

Un moine breton du nom de Kiel débarqua ici, dans la première moitié du 6ème siècle, et fondit une petite communauté dont le territoire prendra son nom, comme dans beaucoup de villages du nord de l'Armorique. "Ploe" ou "Plou" (désignant une paroisse) et le nom de ce "saint" breton formèrent progressivement le nom de Ploeguiel puis Plouguiel. Son indépendance religieuse fut sans doute acquise dès 1160 et elle devient administrativement maîtresse de ses destinées après la Révolution. Entretemps, sa situation privilégiée lui aura permis un développement surtout tourné vers l'agriculture et le commerce de ses produits. Pas moins d'une quinzaine de moulins à eau profiteront de ses frontières naturelles, principalement construits sur les rives du Guindy et du Jaudy. Cinq d'entre eux battront de leur roue à aubes les eaux du Hildry entre Keralio et la baie de l'Enfer, aux portes de Plougrescant. Un petite cale sera aménagée sur le Jaudy, au pied des manoirs de Roc'h Du (la Roche Noire) et de Kestellic. Ce dernier est le plus récent (terminé en 1902) des quelques riches demeures du village, comptant par ailleurs Keralio (château bâti au 15ème et remanié aux 17ème et 18ème siècle), Lezhildry (château du 15ème et 16ème siècle mais dont certaines dépendances remontent au 13ème siècle), Kerousy (manoir du 15ème, remanié au 17ème siècle), Kervegan (16ème siècle) et les ruines du donjon de Kerdeozer (15ème siècle). Un aqueduc à huit arches sera construit en 1623 sur le Guindy, reliant Plouguiel au Minihy afin d'alimenter en eau le pays de Tréguier.

La communauté religieuse ne fut pas en reste dans ce développement, les Cordeliers de l'Ile aux Moines en Perros-Guirec s'établissant en un couvent sur des terres cédées par Raoul de Kerouzy en 1483. Fermé au lendemain de la Révolution, en 1791, il est devenu bien national sous le nom commun de Vieux Couvent et finit une existence tranquille, à l'ombre des ruines de Kerdeozer.

port de la Roche Jaune en Plouguiel

A partir du hameau de Saint-Laurent, derrière les Jardins de Kestellic, prenez la ruelle menant à Kerautret : longeant la rive du Jaudy au plus près, elle se décline en chemins desservant les petits pays se succédant jusqu'aux abords de Roc'h Du et Kersellic. Plus loin, en poursuivant par le chemin de randonnée, vous arriverez au lieu-dit La Roche Jaune dont les terres en pente douce aboutissent au petit port. Ici, comme au centre de Plouguiel, la vie est intense et rythmée au gré des marées mais aussi, depuis l'avènement du tourisme, à celui des jours de beau temps. La plaisance y a pris des droits que seuls les vrais marins s'y octroyaient dans le passé et les pentes de la colline se couvrent, petit à petit, de maisons modernes aux murs blancs dont les volets sont clos une bonne partie de l'année ...

Plus loin encore, l'Observatoire que d'autres nomment belvédère dégage la vue sur l'embouchure du Jaudy, puis le chemin redescend et contourne la seule Pointe de Plouguiel enserrant une minuscule plage. Au bout de celle-ci, au détour du dernier rocher, vous serez face à la Baie de l'Enfer. Ici commencent les côtes sauvages et tourmentées du pays de Plougrescant.

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