Saint-Michel en Grève

Bénéficiant d'une situation favorable, blottie dans un profond repli de la côte la mettant à l'abri des vents dominants, Saint-Michel-en-Grève avait tout pour aborder le 20ème siècle et l'avènement du tourisme sous les meilleurs auspices. Vous en aborderez les rivages dans le prolongement des falaises de Trédrez. A ce moment, la Pointe d'Armorique se révèlera déjà au loin, cachant l'estuaire du Douron et dévoilant, à l'horizon, les maisons blanches de Locquirec.

la Manche devant Saint-Michel en Grève

Las ! La culture et l'élevage intensifs prônés par des pouvoirs locaux généralement à la merci de ses acteurs principaux, agricultueurs et éleveurs, entameront ici une lente mais durable destruction du milieu, dès la deuxième moitié du 20ème siècle !

Saint-Michel-en-Grève voulait devenir un des plus belles stations balnéaires du Trégor ... elle deviendra un des exemples les plus significatifs de la pollution engendrée au profit de quelques-uns et du mépris de ceux-ci pour la préservation d'un pays où, pourtant, leurs enfants devront vivre demain ...

Quand vous foulerez le sol de cette grève immense prenant naissance aux confins des falaises de Trédrez pour aller mourir au pied de Beg Douar en Plestin, vous aurez peut-être la chance de ne pas en sentir les effets. Peut-être qu'avant votre passage, les algues nitratées qui se développent ici en abondance auront déjà été emportées par une noria d'engins motorisés dévolus à cet usage. Chaque année, ainsi, depuis longtemps déjà, les habitants de cette jolie bourgade doivent nettoyer inlassablement les conséquences de la pollution produite dans le bassin versant situé en amont : les algues vertes. C'est ainsi que sur les 1500 mètres que compte la plage de la Lieue de Grève appartenant à Saint-Michel, il aura fallu évacuer 21 000 tonnes d'algues vertes en 2004, soit plus de 50 tonnes par habitant ! Dans les terres, de nos jours encore, des exploitations polluantes s'agrandissent et détruisent davantage les côtes d'Armorique ... sous la bienveillante protection et les autorisations d'extensions d'élus irresponsables ! Ici, comme sur une grande partie des côtes d'Armorique, les pollueurs s'enrichissent au détriment d'une population qui ne peut que subir ... et payer pour tenter de limiter les effets de leurs méfaits ...


Saint-Michel-en-Grève est une paroisse indépendante depuis 1426. Elle est issue du démembrement de la paroisse primitive de Plouzélembre qui, elle aussi, dépendait du diocèse de Tréguier.

clocher et calvaire de Saint-Michel en Grèveclocher et calvaire de Saint-Michel en Grève

Son église fut construite à la fin du 15ème siècle, sur le modèle des églises et chapelles de la région, influencée plus tard par l'école de Beaumanoir. Elle sea agrandie et remaniée au 17ème siècle, sera flanquée du clocher-mur flanqué de sa tourelle avec escalier à vis en 1614. Fortement endommagée à la Révolution elle faillit disparaître tant son état était lamentable. Une lente restauration, de 1816 à 1869, lui rendra une nouvelle jeunesse, tempérée par les seuls vestiges originels, des piliers de style roman. Au centre du cimetière, elle fait face à la mer qui vient en lécher les murs à marée haute. Elle constitue l'essentiel du patrimoine architectural d'un village qui recense, par ailleurs, une chapelle Sainte-Geneviève édifiée en 1767, l'ancien auditoire de justice datant du 16ème siècle, 2 manoirs (dont celui de Tourribel, datant de 1620), les vestiges d'une ancienne enceinte fortifiée au Moulin du Château et quelques murs du 17ème siècle encore intégrés dans les fermes de Kerarmet-Tanguy et Pors-Gélégou. En remontant plus loin dans l'histoire de Saint-Michel-en-Grève, on peut retrouver les traces d'occupation bien plus anciennes : trois menhirs furent recensés sur son territoire. Ils ont tous disparu, recouverts de terre et de végétation ou débités pour construire d'autres ouvrages ... Les vestiges incertains de deux mottes féodales sont encore visibles à Keruclet et Kerhuel.

La Lieue de Grève, cette grande plage en pente douce que vous verrez en passant ici, était la voie obligée pour passer de Tréguier et Lannion à Plestin, Loquirec et, plus loin, à Morlaix. Les Romains l'empruntaient déjà au début de notre ère. Sur 4 kilomètres de sable aboutissant au pied du Grand Rocher, les voyageurs devaient se défendre non seulement des dangers de la mer mais également, parfois, des attaques de bandes organisées détroussant ceux qui passaient par là. Elles étaient connues sous le nom de "collecteurs de la Lieue de Grève". Une route pavée sera construite sur un trajet fréquenté par un nombre croissant de voyageurs, parmi lesquels des pélerins se rendant à Saint-Efflam. A mi-chemin, un menhir "christianisé", surmonté d'une croix, sera une halte permettant aux riches de déposer quelque offrande dans un tronc de granit posé là à cet effet, non seulement pour en assurer l'entretien mais aussi pour venir en aide aux plus démunis. La croix qui le surmontait était encore visible au bas de l'eau des marées d'équinoxe jusqu'au milieu du 19ème siècle. Défintivement immergé en raison de la transgression, il disparaîtra à tout jamais lors du débarquement des "alliés" pendant le dernier conflit mondial : il "gênait" ... A cette époque lointaine, lorsque la mer reprenait son domaine, le seul passage pratiquable était un sentier étroit longeant la falaise, à l'emplacement de la route actuelle. A partir du 17ème siècle, la traversée de la Lieue de Grève devint impossible aux marées d'équinoxe.

De 1867 à 1868, celle-ci ébranleront les murs du cimetière au point de les faire écrouler sous les coups de boutoir de violentes déferlantes. Cet épisode permit de conforter l'idée que le village eut une certaine importance dans le dispositif des voies de communications romaines, désservant notamment le Yaudet et Morlaix. Des décombres du cimetière, les substructions découvertes mirent à jour un établissement de bains, des thermes comme il en existe à Plestin-les-Grèves.

enclos paroissial et plage de Saint-Michel en Grève

Bien avant cela, en des temps fort reculés, les grèves de Saint-Michel et de Plestin ne formaient, jusqu'à Locquirec au moins, qu'une vaste forêt où les hommes chassaient et qu'ils devaient traverser pour arriver à la mer. Connue sous le nom de Lexobie, elle fut submergée par un raz-de-marée qui engloutira tout sur son passage. C'est du moins ce que dit la légende ... Il est vrai que des écrits du début du 19ème siècle font état de nombreux troncs d'arbres s'échouant sur la plage après de violentes tempêtes ... Légende ou réalité ? Nul ne le saura jamais. Il est une autre légende dans le pays qui veut qu'une cité existât devant Saint-Michel-en-Grève : la cité d'Is. Elle, aussi, fut anéantie par les tempêtes puis engloutie sous le sable ...

Saint-Michel-en-Grève deviendra commune indépendante et élira sa première municipalité le 1er mars 1790. Elle fut un temps chef-lieu de canton, ce qui lui permit, notamment, d'accroître sa superficie en récupérant une partie d'un territoire jusqu'alors en Trédrez. Quatre villages supplémentaires et une enclave en bord de mer au delà de Beg an Forn lui permettront de se développer pour prendre le visage qu'elle offre aujourd'hui.

Reprenez votre bâton de randonneur : votre dernière étape dans la découverte des côtes du nord de l'Armorique est toute proche. Plestin-les-Grèves vous attend au bout de la plage ...


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